Ce jour-là, j'avais décidé de partir en mer pour livrer une urgente cargaison d'or. Je rassemblai mes matelots et leur annonçai ma décision : il fallait que l'on charge au plus vite l'or pour pouvoir partir avant les grosses chaleurs de l'après-midi. J'ignorais que mon choix allait tous les mener à leur perte.
«Hé Jack! M’interpella un jeune marin, nous avons terminé de charger la cargaison et L'irlandais volant est prêt à appareiller.»
- Fort bien, lui répondis-je, allons y.»
Nous montâmes à bord de mon fier petit navire et nous levâmes l'ancre. Le vent nous était favorable et la mer était d’huile. Mon équipage travaillait vite et bien. Moi, en tant que capitaine, je criais des ordres par-ci par-là.
Au début, je ne fis malheureusement pas attention aux gros nuages noirs qui s'approchaient. Je m'en aperçus quand ils couvrirent tout le ciel.
Soudain, une pluie cinglante s’abattit sur nous et des éclairs zébrèrent le ciel. La mer se déchaîna. De gros rouleaux malmenaient mon navire. L'irlandais volant tangua dangereusement et plusieurs de mes hommes passèrent par dessus bord.
Tout à coup, le navire se brisa contre un banc de corail. L'eau commença à envahir la cale et bientôt, le pont. Les marins, paniqués, couraient en tous sens. J'essayais vainement de les rassurer. Le bateau se stabilisa un bref instant ce qui me permit de retrouver mon équilibre.
A peine étais-je relevé qu'une grosse vague s'abattit sur le pont, fauchant ce qui restait de mes matelots ainsi que moi même.
Je fus aspiré sous la surface de l'eau. Lorsque je remontai, j’assistai tout suffoquant à une horrible scène : celle de mes compagnons en train de se noyer.
Désespérément, je tentai de m'agripper à un quelconque objet. Ne trouvant rien, je cédai à la panique en hurlant, puis une vague m'entraîna sous l'eau et je sombrai dans l'inconscience.
Quand je me réveillai, j'étais allongé face contre terre. Mon visage était souillé de sable. J'en enlevai une grande partie avant de me relever rapidement mais ma tête et mes articulations me faisaient souffrir. Je m'assis donc et attendit patiemment que mes idées se remettent en place.
Plus tard, je me relevai et me mis à marcher sur la plage. Je décidai de commencer l'exploration de l'île. Je me dirigeai vers la forêt de cocotiers et de palmiers. Après avoir pénétré dans cette forêt, je m'aperçus que le sol était encore sablonneux et que les arbres étaient espacés ce qui en rendait l'atmosphère agréable. Une douce lumière s'y répandait et on distinguait une nette fraîcheur comparée à la plage brûlante. J'étais émerveillé par la beauté de l'île paradisiaque.
Soudain, je me mis à penser à mes matelots. Quel sort avaient ils subi? J'éclatai en sanglots en me rendant compte qu'ils étaient probablement morts à cause de moi. Si seulement je ne les avais pas fait prendre la mer... Lorsque j'eus vidé toutes les larmes de mon corps, je pris conscience que j'étais affamé.
En cherchant de quoi manger, j’aperçus une grotte entre les arbres. Je m'y précipitai, escaladai les rochers et m'empressai de pénétrer à l'intérieur.
Ce que je vis me réchauffa le cœur. La grotte était assez haute pour que je puisse y tenir debout. Le sol était couvert de sable blanc et fin. Au fond, un filait d'eau coulait. Il y avait des cavités dans les parois où je pourrais entreposer de la nourriture. Je venais de trouver un abri digne de moi.
Quand je ressortis enfin, je m'aperçus qu'à ma droite, il y avait une petite plate-forme ou je pourrais faire un feu. Mon ventre gargouilla pour me rappeler ma faim. Je ramassai une noix de coco et la brisa sur une pierre. Je m'empressai de boire le jus et de manger la chair.
J'allais mieux et je décidai donc de continuer l'exploration de l'île. Je marchais en zigzaguant entre les arbres quand je perçus un bruit. Je tendis l'oreille et compris qu'il s'agissait d'un étrange chant. Je me dirigeais vers la mélodie quand je m’arrêtai brusquement.
Devant moi s'étendait un magnifique spectacle: une immense mare d'eau claire et limpide au-dessus de laquelle une multitude d'oiseaux colorés volaient en chantant gaiement. J'étais ébahi et, sans réfléchir, je me jetai dans l'eau en riant comme un enfant.
Mon bonheur fut de courte durée. Les oiseaux se turent brusquement et s'éloignèrent soudainement de l'oasis en un éclat de caquètement inquiet.
Je me figeai en percevant une respiration rauque venant de derrière moi. Sans me retourner, je sortis de la mare en courant et en criant comme un forcené.
Je me dirigeai vers la grotte et, arrivé devant le monticule de pierre, je commençai l'ascension. Quand je fus sur la plate-forme, je m'affalai en haletant. Lorsque j'eus repris mon souffle, je décidai d'aller chercher du bois pour faire du feu en espérant que cela dissuaderait la créature de s'approcher de la grotte.
Quand j'eus assez de bois, je ramassai quelques noix de coco et rentrai à la grotte. La nuit tombait et je me dépêchai de faire un feu. Je mangeai une noix de coco et, par précaution, je me taillai une lance. Puis je rentrai dans la grotte. Je m'allongeai à même le sol et je m’endormis presque aussitôt.
Quand je me réveillai le lendemain, je décidai de partir sur-le-champ pour trouver la créature et si possible, l'abattre. Je taillai une ultime fois ma lance et le lançai à sa recherche.
Hier, l'île me paraissait belle et accueillante mais à présent, elle me semblait menaçante. Je marchai prudemment, aux aguets. Mon angoisse était d’autant plus forte que, n'ayant jamais vu la bête, je me l’imaginais sous toutes les formes les plus effrayantes possibles.
Quelques minutes plus tard, j'arrivai à l'oasis. Elle était entièrement déserte à exception d'une hideuse créature. Elle était petite et visqueuse, toute fripée de la tête aux pieds. Ses yeux globuleux me fixaient d'un air affamé et je regrettai aussitôt d'être parti à sa recherche. Elle ouvrit la bouche, découvrant une rangée de dents pointues, jaunes et pourries.
Elle me sauta à la figure en hurlant. Je pris peur et m'enfuis en courant. La créature me coursa, me rattrapa et me plaqua au sol. Son haleine putride me saisit à la gorge. Elle me mordit la jambe avec violence et je me tordis pour échapper à son étreinte. Sa respiration était étrangement rauque.
Soudain, je me rappelai que j'avais ma lance. Je l'attrapai et l'enfonçai dans sa tête. Elle hurla et s'enfuit en courant. Moi, je me relevai et courut jusqu'à la grotte.
Quand je fus au pied du monticule rocheux, j'entrepris d'atteindre la plate-forme. Ma jambe me faisait atrocement souffrir. J'entrai dans la grotte et m'affalai sur le sol. Je baissai les yeux sur ma plaie. Elle était rouge et boursouflée. Je la rinçai grâce au filet d'eau. Ensuite, je la bandai avec un bout de ma chemise.
Plusieurs semaines passèrent lorsqu'un jour, sans crier gare, la créature m'attaqua dans ma grotte. Elle se jeta sur moi en poussant un hurlement féroce. Ce monstre arracha un bout de mon oreille. Quand le sang gicla, la panique me submergea.
Je criai en me débattant. Je la poussai contre la paroi et un craquement sinistre retentit lorsque sa tête heurta la surface dure de la pierre. La créature s'effondra sur le sol, inerte. Je la pensai morte, mais elle se releva et s'enfuit.
La créature attaquait avec de plus en plus d'ardeur, mais je la repoussais à chaque fois. Cette situation était épuisante car il fallait sans cesse que je veille pour ne pas me faire surprendre.
Un jour, une idée me vînt. L'ayant suffisamment observée, je compris que la créature souffrait d'asthme. Je décidai donc de construire un piège. J'entrepris de creuser une fosse en pente. Je préparai ensuite une immense pile de rondins de bois à côté.
Lorsque ce fut prêt, j'essayai d'attirer la créature en criant. A mon intention, elle surgit de derrière les arbres et fonça sur moi… Mon cœur s'emballa, si mon plan ratait, je mourrais à coup sûr. La bête sauta et tomba dans la fosse.
Je réagis en un éclair. Je lançai les rondins de bois, ce qui la força à courir. J'avais créé une sorte de tapis roulant. Je continuai le processus jusqu'à ce qu'elle succombe d'une crise d’asthme.
Je partis en courant sur la plage et je pris un tronc de bois que je jetai à la mer. Je grimpai à califourchon dessus et pagayai avec mes pieds.
Quand l'île eut disparut à l'horizon, je soupirai de soulagement, j'avais réussis à m'enfuir. Ma joie fut de courte durée. Je m'aperçus que j'étais perdu au milieu de la mer, sans nourriture et sans eau potable. Des heures durant, je dérivai sur mon tronc. Le lendemain, brûlé par le soleil et la faim, je perdis connaissance.
Je ne sais pas combien de temps j'étais resté inconscient mais quand je me réveillai, j’étais dans un lit d’hôpital N'ayant jamais aimé les hôpitaux, je m'empressai de me lever et d'en sortir. Par chance, j'y parvins sans encombre. Je m'aperçus alors que j'étais dans la ville où vivait ma famille. Je courus en direction de ma maison et, arrivé devant, je poussai la porte.
Ma jeune épouse et mon fils âgé de quatre ans m'accueillirent en pleurant de joie. Je leur racontai alors mon histoire. Longtemps après, je me souvenais encore de mes multiples aventures.
Juliette