Le 16 août dernier, je partis gravir une montagne inconnue dans le triangle des Bermudes sur une île dont on croyait que la hauteur était aux environs de 7000 m.
Après trois heures de vol en hydravion, j’arrivais avec mes deux pilotes en vue de l’île. On ne voyait pas le haut de la montagne à cause d’une épaisse couche de nuage gris. L’essence commençait à manquer. Nous ne trouvions pas d’endroit pour amerrir. La mer était agitée et les vagues étaient impressionnantes. Les pilotes sautèrent à l’eau avec les deux seuls parachutes et le canot pneumatique. Je pris donc les commandes de l’hydravion en essayant vainement de le faire atterrir sur l’immense plage de sable fin. L’hydravion s’écrasa et me projeta au sol sans trop de mal. Hélas, il continua sa route et coula au loin dans la mer.
Je me retournai et je vis une jungle peu grande avec des aras, des perroquets, des singes, et pleins d’autres animaux peu dangereux. Nous pouvions voir du vert, du jaune, du rouge, du violet, du marron ... Cette jungle était un arc-en ciel de couleurs très accueillantes. Plus haut, nous pouvions voir une grande montagne, très grande comme l’Everest, mais encore plus haute. Une grande prairie verte recouvrait le bas de la montagne. Plus haut, des rochers semblaient empêcher le passage aux pentes de neiges brillantes au soleil comme des étoiles, où aucun homme n’avait jamais posé le pied. Plus haut, une épaisse couche de nuages cachait le sommet. Je regrettais un peu que les pilotes ne puissent pas voir ce magnifique paysage. Quand je vis l’immensité de la mer déchaînée, je me mis à regretter aussi le fait de n’avoir prévenu personne avant de partir.
J’étais seul et ne pouvais compter que sur moi. Je pensais immédiatement à la nourriture et je jugeais qu’il était plus facile de pêcher que de chasser. Aussitôt, je fabriquai un filet et une canne à pêche avec des lianes et des branches. Je fis aussi un piège de mon invention. Je décidai de planter la canne à pêche dans le sable pour partir chercher un abri. J’installai aussi mon piège.
Au bout d’une longue marche sur la plage, je vis une vieille cabane. Je compris alors que d’autres personnes étaient passées sur cette île. Je n’avais donc pas besoin de fabriquer mon abri. J’entrais prudemment et je fis une étrange et surtout angoissante découverte...
Dans la cabane, il y avait une dizaine de squelettes dont plusieurs broyés par terre et assis sur des chaises. Je me posai sur un banc et toute la cabane s’écroula, rongée par les mites. En sortant de la cabane, je décidai de ne pas m’en construire une nouvelle à cause des mites dévastatrices. Je vis alors un carnet de bord. Je le lus et je fis une découverte effroyable :
Il y avait écrit : « 3 janvier 1542. A peine arrivés, nous sommes tombés nez à nez avec un monstre horrible plein de poils noirs. Nous nous sommes battus pendant près d’une heure en perdant trente hommes et en ne réussissant qu’à blesser son bras ». Sur une autre page, il était inscrit : « 6 janvier 1542, trois jours après, le monstre est revenu. Il nous a tous tués sauf moi qui mourrai sûrement demain. Nous n’avons réussi qu’à l’effrayer. 7 janvier 1542. Le migou est reven ... ». Ainsi, s’arrêtait le livre.
Je me demandais ce qu’était le migou. Après réflexion, je me souvins que le migou était le yéti. En revoyant la date, je me rassurais : un animal ne pouvait pas vivre 400 ans. Je repartis vers mes affaires de pêche. Ma surprise fût énorme quand je vis qu’une caisse, sûrement une qui était dans l’hydravion, était coincée dans mon piège. J’essayai de l’ouvrir tant bien que mal avec un galet et heureusement, la caisse n’était pas très solide et s’ouvrit. J’espérais que ce soit la caisse de vivres. En fait, c’était le matériel de montagne. J’allais être le premier à tenter de gravir cette montagne.
Cette caisse comportait des cordes, des crampons, des casques, une tente, des lampes, des bouteilles d’oxygène et pleins d’autres objets utiles pour l’ascension. Il était temps désormais de pénétrer dans la jungle. Je la traversai sans encombre. J’étais déjà au pied de la montagne. J’allai pouvoir la gravir, voir les îles habitées aux alentours et peut-être ramener le squelette du yéti.
L’ascension fut beaucoup plus difficile que prévue. La pente était d’environ 80° et des morceaux de terre s’arrachaient du sol. Ils me faisaient reculer de quelques mètres à chaque pas. Mais ce n’était pas la plus grosse difficulté.
Tout à coup, un énorme grizzli qui n’avait pas fui comme les autres animaux m’attaqua. Les armes étaient dans la caisse derrière moi. J’eus tellement peur que je poussai un cri très fort qui l’effraya aussi. Je savais que ce monstre pouvait m’arracher la tête aussi facilement qu’une fleur. La patte monstrueuse fonça sur moi, j’eus juste le temps de me baisser. J’eus une chance folle ; juste au moment où la griffe allait me faucher les jambes, la terre se déroba sous moi. Je glissai dix mètres plus bas. J’eus le temps de prendre la carabine. Le grizzli n’était plus qu’à six mètres. Si la terre se dérobait sous lui, il me broierait. Le temps de tirer douze balles dans l’épais pelage noir du monstre avant que la terre ne tremble, le grizzli n’était plus qu’à un mètre de moi. Une crevasse s’ouvrait sous les pieds du monstre. Après un cri bref, une autre crevasse s’ouvrit sous moi. Je me roulai sur le coté. Le grizzli ressortait de la crevasse lorsqu’un geyser sortit de terre et le brûla. Bientôt de nombreux geysers sortaient de partout. La chance fut avec moi. Je vis une grotte où je pouvais m’abriter en attendant que cela passe. Je n’eus pas le temps de souffler, qu’un nuage de chauve-souris se jeta sur moi. Je savais que ces bêtes redoutaient la lumière. Je pris ma lampe de poche et mon casque de spéléologie. Toutes les bêtes finirent par fuir. Pendant que je regardais les geysers diminuer peu à peu, je soignais mes blessures grâce à la trousse de secours de pharmacie trouvée dans la caisse. Quand les geysers cessèrent, je repartis en me demandant comment des animaux pouvaient bien vivre ici.
Le soir tombait quand j’arrivais devant une falaise infranchissable. Je décidai d’installer mon campement dans une petite grotte. Je passai une nuit assez tranquille, sans compter les roches qui tombaient en me réveillant.
Le lendemain, je préparai le matériel pour grimper ce mur impressionnant qui allait être vaincu grâce à mes connaissances d’escalade et à mon matériel perfectionné. Les 500 premiers mètres furent très faciles. Les oiseaux m’assaillaient, risquant à plusieurs reprises de couper mes cordes qui tenaient le matériel. Tout à coup, j’eus tellement peur que je fis une chose que je n’aurais pas dû faire : je m’assis sur un rocher et, comme je savais que j’avais assez de balles pour tirer pendant une semaine, je tirais sur tous les oiseaux qu’il y avait. Le bruit fit tomber une roche énorme qui allait me broyer. Puis un autre bloc fut projeté sur la première roche et la fit exploser en mille morceaux. Ils tombèrent sur moi.
Quand je me réveillai, de nombreux vautours s’agitaient autour de moi. Je les éloignai en tapant leur tête avec ma carabine. Je continuai l’ascension. D’autres rochers comme ceux qui m’avaient sauvé la vie tombaient près de moi, me ratant de justesse. Je compris que c’était un volcan qui projetait ces roches quand je vis de la lave couler vers moi. Heureusement, j’eus le temps de m’abriter sous un rocher. La chaleur était horrible et la lave ne cessa de couler qu’au bout d’une heure. La suite de l’ascension se fit sans problème et quand je finis l’escalade des rochers, une surprise m’attendait. Il y avait une forêt que je n’avais pas vue du bas. Elle était magnifique. Je compris comment des animaux pouvaient vivre ici.
Il y avait deux parties dans cette forêt. Dans la première, il y avait des arbres verts remplis d’oiseaux. Dans la deuxième, il y avait des sapins et moins d’animaux. Je décidai de camper dans la première partie de la forêt pendant deux jours. Malgré les sangliers, elle n’était pas dangereuse par rapport aux autres parties de la montagne. Après ces deux journées de repos, je décidai de continuer l’ascension. Dans cette forêt, il y avait des sangliers, des ours et pleins d’autres animaux sauvages que je tuai facilement. Je ne quittais jamais ma carabine. Mais un jour, pendant que je combattais l’un d’entre eux, un arbre en feu tomba à 50 cm de moi. A cause de cet événement, je perdis ma concentration. Le sanglier me bouscula et me fit tomber. Il allait foncer sur ma tête quand un autre arbre en feu lui tomba dessus. J’étais sauvé du sanglier mais pas de l’incendie qui ravageait toute la forêt. Je courus le plus vite possible droit devant sans oublier ma caisse. Je me demandais si c’était une bonne idée d’avoir voulu monter sur cette montagne inconnue.
Catastrophe !! J’aperçus une rivière profonde et puissante. Heureusement, je vis un tronc dans l’eau. Je sautai dessus. Pendant que j’essayais de tenir en équilibre, je voyais sur l’autre rive des arbres tombés au sol, brûlés et noircis par le feu. Les rapides cessèrent progressivement. J’arrivai dans un lac. A l’aide d’une branche, je tentais de revenir vers le bord.
Un monstre énorme d’un bleu sombre, aux yeux rouges et féroces, aux grandes dents transparentes, aux grosses pattes palmées de canard, m’attendait. M’avait-il repéré de loin ? Etait-il dangereux ? Comment saisir ma carabine ? Il était si près de moi ! Ses écailles étaient si solides et épaisses, comme des portes de coffre-fort. Il s’approchait et me reniflait avec sa bouche répugnante. Mes derniers instants étaient arrivés. Puis, tout simplement, sans que rien ne semble, il se retourna et partit. Je restai sans bouger. Il disparut dans la nuit tombante.
Je choisis de camper. Le lendemain, je repris le chemin. La neige apparaissait au sol. Un froid piquant m’incitait à mettre mon manteau, mes bottes, mes gants, mon bonnet et un pantalon chaud. Le paysage changea. Le premier glacier crevassé remplaçait la forêt. La traversée était périlleuse. J’avais l’interdiction de tomber dans une crevasse. J’étais seul, je ne pouvais pas m’encorder avec un compagnon de cordée... Ce qui devait arriver arriva, je tombai dans une crevasse. Après une courte chute, j’atterris sur un tas de neige molle qui amortit la réception. Je cherchai une solution pour remonter quand je vis quelques marches et à côté, des gros ossements. Serait-ce le squelette du yéti ? J’étais peut-être tombé dans sa grotte ? En remontant le squelette, je découvris qu’il y avait des traces toute fraîches. Je remontai, quand j’entendis un rugissement énorme. J’étais prêt à descendre de la montagne. Puis, je me dis qu’il ne fallait pas être aussi lâche que les pilotes. J’aurais donc fait tout ce chemin pour rien ? Une fois arrivé en haut, je serai sauvé. Je continuai donc. Mon altimètre m’indiquait 8000 m d’altitude. J’avais des poumons puissants. J’avais tout de même besoin d’oxygène. Ma santé de fer me permettait de continuer la marche.
Les jours passaient, l’ascension était interminable. J’étais à 12000 m d’altitude et le sommet n’était toujours pas en vue. Le paysage était extraordinairement joli. Au premier plan, je voyais la neige qui scintillait au soleil. Derrière, on pouvait distinguer la forêt où le yéti allait chasser. Au troisième plan, nous pouvions voir les pentes escarpées et la grande plaine verte où je faillis mourir. Au loin, la mer bleue se mélangeait au ciel. Nous ne pouvions voir la forêt tropicale.
Je traversais l’épais manteau de nuages. Tout à coup, au moment où je ne voyais rien à cause du brouillard, j’eus la peur de ma vie.
En face de moi, il y avait un monstre avec la tête difforme et poilue, des petits yeux rouges menaçants. Son gros nez reniflait, sa bouche était hérissée de dents géantes pleines de sang. Ses mains géantes pouvaient tordre du métal. Ses doigts étaient épais comme des dictionnaires. Ses pieds énormes tenaient sur la glace la plus lisse.
Je courus le plus vite possible, mais je savais qu’il me rattrapait.
Je m’arrêtais donc et je déchargeais ma carabine sur le cœur du monstre, il ne sentit rien et allait me sauter dessus. Je bondis sur le côté, mes affaires m’entravaient énormément. Je n’avais que quelques minutes à vivre si je continuais comme cela.
Je sautais donc sur un lac de glace que j’avais vu. Le géant sauta sur la glace qui se fissura, malgré son épaisseur de cinquante centimètres.
Il hésita, puis fonça vers moi et la glace se brisa. Il s’y enfonça et elle se referma aussitôt.
Je pensais que c’en était fini de lui, mais grâce à son épais manteau de fourrure, il ressortit de la glace sous mes pieds. Je décollais et des morceaux de glace volaient dans tous les sens. Il faillit m’attraper la jambe. J’atterris près d’une rivière de glace, je me mis dessus et je descendis la pente à toute vitesse. Le géant fit de même. Il me rattrapait et je fus presque heureux en voyant des crevasses. Je fonçais au milieu, tentant le tout pour le tout. Le yéti me suivit, et plus lourd que moi, il tomba dans une crevasse en poussant un long cri.
Il n’était sûrement pas mort, mais en tout cas, il était bloqué.
Je repris l’ascension. Plusieurs semaines passèrent.
Un jour que j’avais faim, froid et soif, j’arrivais au sommet. L’altimètre indiquait 30 000 mètres et des poussières. Je pris mon sac à dos où il y avait le squelette du yéti, j’abandonnais mes autres affaires et je pris un parapente. La montagne était tellement grande, qu’avant de toucher terre, trois jours passèrent. Mais à cause du vent, j’atterris dans un village d’Afrique.
Les habitants m’ont nourri, fait dormir sur un lit en paille et m’ont donné à boire. Un petit groupe de personnes partit dans une ville pour appeler un avion.
Une semaine plus tard, j’étais chez moi, guéri, les ossements du yéti au musée, et un autre hydravion avec plus de personnes partait vers l’île du yéti.
Longtemps après, je me souvenais encore de mes multiples aventures.
Rémi